L’usage est très fréquent de demander à l’assemblée générale de donner au syndic quitus de sa gestion après le vote sur l’approbation des comptes.
C’est pour certains copropriétaires un moment de perplexité qui vaut quelques éclaircissements, d’autant que nombre de syndics présentent le quitus comme une espèce de satisfecit sans conséquence à l’adresse de dirigeants sensibles et soucieux de reconnaissance morale.
Or, ce n’est pas exactement ce dont il s’agit en matière de gestion d’immeubles en copropriété.
Le quitus se définit comme reconnaissance par un mandant que son mandataire s'est acquitté de son mandat d'une manière satisfaisante permettant de le décharger de toute responsabilité résultant de la gestion de son mandat.
Bien que la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété n’y fasse pas référence, le quitus trouve une légitimité dans le fait que les copropriétés comme la nôtre ont obligation de confier à un syndic (mandataire) la gestion des biens, services et charges communs de la copropriété.
Le quitus n’étant pas codifié par la loi, ses modalités et sa portée sont à définir entre mandataire et mandant. C’est ce qui est largement pratiqué dans les sociétés de capitaux et les associations qui prévoient dans leurs statuts les conditions de recours au quitus et ses limites, notamment sur le fondement d’un rapport moral et financier du mandataire rendant compte des actions qu’il a menées au nom et pour le compte du mandant.
Ce n’est pas le cas en matière d’immeubles en copropriété. En conséquence, le quitus y est libre de tout formalisme et s’entend dans son acception la plus large englobant la gestion tant comptable que financière, administrative et juridique.
Toutefois, le quitus peut être assorti d’exclusions que l’assemblée générale fait inscrire au procès-verbal de réunion et ne vaut, en tout état de cause, que pour les actes connus ou constatables par l’assemblée et dont elle est en capacité d’apprécier les conséquences.
Contrairement à l'approbation des comptes, rien n'impose de soumettre la question du quitus à l'assemblée générale. La demande est inscrite à l’ordre du jour à l’initiative du syndic, sans devoir être motivée ni documentée. Elle fait l’objet d’un vote à la majorité simple dans lequel seuls les votes positifs et les votes négatifs sont pris en compte, sans nécessité de quorum.
Le refus du quitus ne condamne en rien l’action du syndic et n’est pas antinomique de la poursuite de sa mission ou du renouvellement de son mandat qu’il peut et doit assumer sans réserve.
Comme évoqué plus haut, le quitus délivre le syndic de toute responsabilité pour l’ensemble de sa gestion administrative et comptable ainsi que tous ses actes liés à ses obligations contractuelles (recouvrement des charges, suivi des affaires en cours, traitement des impayés, entretien, travaux, contrats de prestataires, sinistres, gestion du gardien, assurances, déclarations, visites de la copropriété, etc.) - y compris ses carences et ses actes fautifs ou excédant ses pouvoirs que les copropriétaires ont connus ou eu moyen de connaître. (petit exemple expérimenté par la copropriété)
En corrolaire, la copropriété prend entièrement à son compte les conséquences éventuelles des actes ou carences dont son quitus a dégagé la responsabilité du syndic.
La décision de quitus est définitive et n’est susceptible d’aucun recours de la part du syndicat des copropriétaires, sauf dans les exceptions citées précédemment.
Il s’ensuit que si des exclusions ont été assorties au vote du quitus, un éventuel recours ne pourrait viser que ces exclusions, les autres actes ou carences de gestion étant alors réputés connus et, par conséquent, couverts par le quitus.
Il s’ensuit également que si la copropriété veut invoquer l’oubli ou la dissimulation d’une information dont le quitus la prive d’obtenir réparation des préjudices qui en découlent, elle devra préalablement intenter une action judiciaire visant à déterminer l'ineffectivité du quitus au regard de sa demande. Or la chronique judiciaire montre que, majoritairement, à défaut de cadre conventionnel restrictif, les juges de première instance retiennent l’acception la plus large du quitus et son effet exonératoire total et définitif.
En conséquence, en fonction des enjeux financiers, de la détermination et des moyens de la copropriété, celle-ci sera souvent en situation de devoir faire examiner sa demande en appel, voire en cassation, avant d’espérer être reconnue dans ses droits et prétentions. Sous réserve que l’information en question soit réellement viciée ou manquante car les informations implicites ou indirectes sont reconnues valides.
Ainsi, sans que personne n'ait à le mentionner, l’information qu’une action n’a pas été effectuée (par exemple le contrôle réglementaire des ascenseurs en 2017) peut se déduire des comptes remis aux copropriétaires. Les comptes, qui établissent la provision et l'absence de dépense correspondante, sont exacts et peuvent être approuvés, ce qui n’emporte pas l’approbation de la carence qu’ils révèlent. En revanche le quitus couvre la carence constatable dans les comptes et transfère définitivement à la copropriété le poids des éventuelles conséquences qu’elle pourrait impliquer.
En principe, le quitus n’éteint pas la possibilité d’un copropriétaire d’agir à titre personnel en responsabilité contractuelle contre le syndic. Cependant le quitus donné par le syndicat, et plus encore le quitus donné par le vote du plaignant lui-même, pèseront indéniablement - et plutôt défavorablement - dans la décision du juge.
On voit de ce qui précède que le syndic et son assureur ont beaucoup à gagner du quitus tandis que la copropriété n’y gagne rien et se prive de tout recours judiciaire et de toute indemnisation pour les conséquences des actes et carences dont le syndic est tenu quitte, sauf à engager des recours compliqués, longs, coûteux et hasardeux.
Sachant que la plupart des actes de gestion du syndic ont une traduction comptable, l'approbation des comptes peut donner à penser que rien ne s'oppose au quitus dès lors que les comptes sont approuvés, y compris avec d'éventuelles réserves que l'assemblée générale a mises en suspens.
Or l’approbation des comptes ne valide qu’une partie du mandat du syndic (de l’AG 2017 au 30.9.2017 pour l’AG 2018). Les actes administratifs et juridiques qui n’ont pas de traduction comptable et les actes ayant une traduction comptable connue pour la durée entre la fin de l’exercice comptable et la date de l’assemblée générale sont couverts par le quitus et ne pourront pas, le cas échéant, faire l’objet d’une action en responsabilité contractuelle contre le syndic en réparation des préjudices qui pourraient découler de sa gestion et dont les assureurs se trouvent libérés par le quitus donné au syndic.
On voit en outre dans la vie courante apparaître des désordres bien après leurs causes, souvent même ignorées de ceux qui avaient en responsabilité la personne ou la chose qui les subit.
Les syndics ne sont pas à l'abri de ces aléas. C’est une des raisons pour lesquelles le décret d’application de la loi du 10 juillet 1965 oblige le syndic à souscrire une assurance en responsabilité civile couvrant, pour une durée de trente ans, les préjudices matériels et immatériels causés à la copropriété en relation avec sa gestion, y compris ses erreurs, omissions, négligences et abus. Assurance payée in fine par les copropriétaires et à laquelle la copropriété renonce par son quitus au bout d’un an seulement.
Ainsi, contrairement à un argument très répandu, le quitus n’est pas une question de confiance ou de défiance à l’égard du syndic. C’est d’abord un moyen pour les assureurs d'améliorer leur rentabilité en abaissant substantiellement leurs provisions réglementaires d’indemnisation et pour les syndics un moyen d'éviter les charges liées à la correction d’erreurs ou carences commises sous leur responsabilité, même à leur insu.
De son côté, l’assemblée générale peut vouloir conserver le bénéfice de l'assurance professionnelle qui couvre les carences ou erreurs de gestion du syndic en ne lui donnant pas le quitus sans que cela constitue pour autant une marque de défiance à son égard.
Le nombre de quitus obtenus par un cabinet de syndic pouvant parfois influer sur le montant de sa prime d’assurance professionnelle, les syndicats peuvent être tentés de les accorder par sympathie ou échange de bons procédés. Cela peut s’envisager lorsque l’expérience a démontré un professionnalisme sans faille du syndic, un sens irréprochable de ses responsabilités et un fonctionnement en totale transparence avec le conseil syndical et les copropriétaires, sachant la part de risque que la copropriété veut bien endosser en prenant une telle décision.
- Code civil, art. 1101 et s., 1191 et s., 1240 et s., 1984 et s.
- Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis
- Décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965
- Décret n° 2015-1090 du 28 août 2015 fixant les règles constituant le code de déontologie applicable à certaines personnes exerçant les activités de transaction et de gestion des
immeubles
- Convocation à l’assemblée générale 2017 (annexe 3)
- Avis de la Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM)
- Avis de Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
- Avis de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC)
- Avis de l'Association Nationale de la Copropriété et des Copropriétaires (ANCC)
- Avis de l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC - Que Choisir)
- Fédération française de l'Assurance
- Institut des actuaires
- Infogreffe
Mise à jour : 4 avril 2018 | remarques et suggestions : webmestre |